Le Musée d’histoire des sciences vient d’acquérir cet été une imposante machine à diviser circulaire construite par la Société genevoise d’instruments de physique (SIP) de plus d’un mètre de diamètre et pesant près de 1500 kilos. Ce type de machine, construite dans les années 1930-1940, permet de graver mécaniquement des graduations circulaires jusqu’à un mètre de diamètre sur des cadrans utilisés dans la fabrication d’instruments astronomiques, géodésiques et militaires.

Le transport de cette machine qui était entreposée dans les anciens locaux de la SIP dans la zone industrielle de Satigny dans la campagne genevoise jusqu’aux nouveaux abris de bien culturels de la Jonction au centre-ville s’est faite au moyen d’un camion-grue mis à disposition par les services de la voirie de la Ville de Genève.

Cette machine vient donc enrichir le fonds SIP du Musée d’histoire des sciences qui compte aujourd’hui plus d’une centaine de pièces – instruments scientifiques, règles étalon, machines à mesurer, machines à diviser linéaires – issues des ateliers genevois de SIP entre la fin du 19e siècle et 2017, date de fermeture du dernier site de production de la SIP à Satigny et de son déménagement à Salles dans le canton de Fribourg dans la nouvelle usine Bumotec.

Avec cette fermeture, le paysage industriel genevois se transforme encore un peu plus en désert. Elles paraissent bien loin les années 60 et 70, lorsque la SIP comptait près de 1100 employés, essentiellement des mécaniciens spécialisés dans la construction de machines-outils en tout genre. Durant ces belles années, la SIP produisait annuellement 200 machines d’usinage et 90 machines à diviser qu’elle exportait dans le monde entier.

En clin d’œil à ce riche passé industriel et en hommage à tous les ouvriers qui ont travaillé à la SIP, le Musée vous propose ci-joint quelques images d’objets et de documents insolites liés à ce fleuron de l’industrie genevoise. 

Atelier de divisage de la SIP. Genève, 1948
Au centre, une machine à diviser circulaire similaire à celle acquise cet été par le Musée d’histoire des sciences. Sur la gauche, une machine à diviser linéaire datant de 1921.
Collection du Musée d’histoire des sciences
La panoplie de l’apprenti SIP
Durant sa formation à la SIP qui durait quatre ans,  l’apprenti-mécanicien fabriquait lui-même une partie de son outillage : étau d’établi, trusquin, compas, équerre à chapeau.
MHS 2403
Photographie : Gilles Hernot, Musée d’histoire des sciences
Carnet d’apprentissage SIP, Genève, 1967
Collection du Musée d’histoire des sciences

Les apprentis de la SIP

Dans les années 1960-1970, la SIP comptait jusqu’à 50 apprentis, essentiellement des futurs mécaniciens de précision et des mécaniciens outilleurs.

Classe d’apprentis SIP, Genève 1967
Collection du Musée d’histoire des sciences

L’équipement de l’ouvrier

L’outillage de l’ouvrier SIP comprenait un grattoir, sa pierre à huile, des rodoirs, une lentille en verre et une pâte à gratter.

Grâce au grattoir, les ouvriers enlevaient à la main les microns excédentaires à la surface des glissières des machines à pointer pour rendre leur géométrie la plus parfaite possible. Les rodoirs étaient utilisés pour vérifier la surface des palpeurs des machines à mesurer. Les palpeurs étaient frottés avec les rodoirs préalablement enduits de diamantine. On vérifiait alors que la surface des rodoirs soit bien plane avec la lentille en verre que l’on posait dessus. Si des franges colorées apparaissaient, cela signifiait la présence  d’air sous la lentille, donc d’aspérités. Et l’on recommençait à roder jusqu’à l’apparition d’une couleur blanche uniforme.

Grattoir et pierre à huile
MHS 2404
Photographie : Gilles Hernot, Musée d’histoire des sciences
Rodoir et lentille en verre
MHS 2407
Photographie : Gilles Hernot, Musée d’histoire des sciences
Grattage d’une machine-outil, Genève, 1950
Ouvrier en train de gratter manuellement la surface d’une glissière d’une machine-outil en construction. Le grattage pouvait requérir plus de trois mois de travail selon le type de machine.
Collection CIG / Bibliothèque de Genève
Certificat de travail SIP, Genève, 1950
Collection du Musée d’histoire des sciences

 

Bibliographie

Stéphane Fischer, Bénédict Frommel, la SIP : du microscope à la machine-outil, Genève, 2005

Bénédict Frommel, La SIP, 150 ans de mécanique de précision, Infolio, Gollion, 2021