Et si l’émotion esthétique aidait à mieux comprendre les lois de la nature ?

C’est cet aspect du lien entre art et science que soulèvent les instruments de physique expérimentale de l’Abbé Jean-Antoine Nollet (1700-1770), figure emblématique de la science des Lumières, né d’une famille paysanne et devenu précepteur des enfants du roi de France.

Des champs à la cour, un parcours sans faute

Formé par les meilleurs, Nollet donne des cours de physique expérimentale dans différents lieux de Paris, notamment les fameux salons scientifiques. Il crée à plusieurs exemplaires les instruments dont il a besoin et vend des cabinets de physiques aux plus riches et aux savants de son époque, dont Voltaire. Le prestigieux Collège de Navarre de Paris crée pour lui en 1753 une chaire de physique expérimentale et lui construit un amphithéâtre aux dimensions exceptionnelles. Il poursuit en parallèle ses recherches personnelles, notamment sur la nature de l’électricité.

Portrait de Jean-Antoine Nollet (1700-1770)

Comment parler de science aux esthètes des Lumières

On doit avant tout à l’abbé Nollet d’avoir mis en place une méthode pédagogique simple, directe et pragmatique de l’enseignement de la physique, basée sur l’illustration des lois et des phénomènes par des exemples expérimentaux. Supposant une « curiosité raisonnable » à ses auditeurs, il adapte son discours en ménageant « la bienséance qui convient aux sciences et la délicatesse des auditeurs ». Il refuse à la fois de ne faire que du spectacle et d’alourdir son discours par de longues démonstrations mathématiques.

Présentation d’expériences par Nollet devant un public
Présentation d’expériences par Nollet devant un public mêlant dames et messieurs

Il publie deux ouvrages majeurs en appui de ses cours tout d’abord les Leçons de physiques expérimentales, en six volumes publiés entre 1743 et 1764  et réimprimés à plusieurs reprises ; ensuite L‘Art des expériences, ou avis aux amateurs de la physique, sur le choix, la construction, et l’usage des instruments paru l’année de sa mort en 1770. Ces ouvrages sont disponibles à la consultation à la bibliothèque du Musée d’histoire des sciences.

Page de titre et frontispice de l’Essai sur l’électricité des corps présentant une expériences d’électricité statique.
Planches de l’Art des expériences proposant des motifs pour décorer les instruments.

Ces ouvrages détaillent le déroulé des expériences et mettent en scène les différents instruments sur des planches très soignées, voire indiquent comment construire et décorer ses propres instruments. Ces motifs n’ont pas qu’une raison esthétique. Ils participent d’une réflexion « marketing » : pour attirer le public, il faut lui plaire et suggérer, par la mise en scène et les riches décors, que les instruments de physique ont leur place dans les salons luxueux de ses commanditaires.

 

Le Musée d’histoire des sciences de Genève a la chance de compter dans ses collections quelques instruments issus des ateliers Nollet ou qui en sont fortement inspirés. Leur étude archéométrique donnera lieu à un autre article…

Pompe à feu attribuée à Nollet des collections du Musée d’histoire des sciences (MHS-77)
Planche présentant la pompe à feu dans les Leçons de physique