Suite à un appel de Madame Kaarina Lorenzini, l’archiviste du Collège Florimont, une équipe du Muséum et du Musée d’histoire des sciences s’est retrouvée en juin dernier dans le bâtiment des sciences de l’Institut Florimont au Petit-Lancy pour évaluer une quantité impressionnante de minéraux, animaux naturalisés et vieux instruments scientifiques devenus soudain trop encombrants et destinés au débarras. En effet, l’aménagement de nouveaux espaces de travail pour les étudiants prévu cet été nécessitait de supprimer de nombreuses armoires et vitrines où était entreposé jusqu’ici cet ancien matériel d’enseignement.

Concernant les instruments scientifiques, une cinquantaine d’entre eux s’est révélée digne d’intérêt et a rejoint les collections du MHS. Datant pour la plupart des années 1920, ces instruments sont des témoins matériels remarquables de l’enseignement scientifique tel qu’il se pratiquait à Florimont au début du 20e siècle. Selon Mme Lorenzini, la majorité de ces instruments auraient été acquis par le Père Basile Luyet (1897-1974), qui enseigna les sciences à Florimont entre 1921 et 1929.  Père de la congrégation missionnaire de St François de Sales, le valaisan Basile Luyet étudie la physique et la biologie à l’Université de Genève où il obtint deux doctorats. Dès 1929, il se rend aux Etats-Unis pour poursuivre ses recherches scientifiques dans le domaine de la cryobiologie où il est encore considéré comme un pionnier en la matière.

Le Père Basile Luyet et ses étudiants durant un cours de chimie à l’Institut Florimont en 1921
Collection Institut Florimont

L’électromagnétisme est particulièrement bien représenté avec une vingtaine d’instruments de démonstration ou de mesure. Citons notamment une bobine d’induction (un générateur de décharges à haute tension) inventé au milieu du 19e siècle. Passablement usée, la bobine produit encore de timides étincelles. L’instrument porte la signature d’Alvergniat frères, des constructeurs parisiens actifs entre 1858 et 1900 environ. Sur une photographie tirée des archives du Collège, et aimablement mise à disposition par Mme Lorenzini, on peut voir un étudiant manipuler la bobine qui était alors alimentée par deux piles électriques.

Bobine d’induction
MHS 2955
Bakélite, bois, cuivre, Alvergnat Frères, Paris, vers 1880
Un étudiant devant une bobine d’induction, vers 1921 (?)
Collection Institut Florimont

Parmi les autres dispositifs en lien avec l’électromagnétisme, figurent encore plusieurs sonnettes électriques actionnées par un électro-aimant ; des récepteurs télégraphiques ; des téléphones de démonstration ainsi qu’un moteur électrique.

Modèle de récepteur télégraphique
MHS 2958
Bois, acier, laiton, Breton Frères, Paris, vers 1860

Mentionnons encore la présence d’une roue de Barlow, une des premières machines électriques à produire du mouvement. Cet appareil d’une quinzaine de centimètres de long comprend une roue dentée métallique verticale qui tourne autour d’un axe horizontal, ceinte d’un aimant en forme de fer à cheval. La partie inférieure de la roue est en contact avec du mercure (ou un autre liquide conducteur) contenue dans une cuve entourée d’un aimant en forme de fer à cheval. Lorsque l’appareil est branché à une pile ou un générateur électrique, le courant se met à circuler le long d’un rayon du disque. Par l’action conjointe de ce courant et du champ magnétique produit par l’aimant, la roue se met à tourner.

Roue de Barlow
MHS 2948
Bois, laiton, cuivre, Ducretet & Roger, Paris, vers 1910

Autre domaine bien représenté :  l’électricité statique avec une dizaine d’instruments dont une machine électrostatique à deux plateaux signée Radiguet Massiot (constructeurs parisiens vers 1900-1910). Bien qu’en piteux état, la machine est probablement celle qui figure sur une autre image où l’on distingue un groupe d’étudiants rassemblés autour d’une table sur laquelle se trouve l’appareil ainsi que deux bouteilles de Leyde (des condensateurs en verre) également retrouvées.

Machine électrostatique
MHS 2950
Bois, acier, ébonite, Radiguet & Massiot, Paris, vers 1890
Leçon d’électricité statique à Florimont, vers 1921-1922. On distingue la machine électrostatique sur la table.
Collection Institut Florimont

Poursuivons ce rapide inventaire par deux instruments hors électricité et magnétisme. Le premier est une splendide pompe à vide à deux pistons non signée, munie de sa cloche en verre, et qui semble en bon état malgré de nombreuses traces de vert-de-gris (oxydation du cuivre). L’instrument que l’on retrouve également sur une vieille photographie ressemble fortement aux modèles proposés par les constructeurs français dans les années 1920.

Pompe à vide à deux pistons
MHS 2975
Acier, laiton, verre, vers 1900
Etudiant de Florimont devant une pompe à vide
Collection Florimont

Le second est un appareil à démontrer les effets de la force centrifuge signé Breton Frères (constructeurs parisiens actifs entre 1851-1863). Disposé sur un support en bois, un grand volant muni d’une poignée entraîne une poulie par le biais d’une courroie. L’axe de la poulie peut recevoir différents accessoires dont une sorte de sphère constituée de deux cercles métalliques coulissant le long d’une tige verticale. Lorsque la sphère est mise en rotation, les deux armilles s’aplatissent verticalement sous l’effet de la force centrifuge. Cette démonstration sert à illustrer le fait que la Terre est légèrement plus aplatie aux pôles qu’à l’équateur en raison de son mouvement de rotation. Un autre accessoire consiste en un dispositif en laiton muni d’un récipient central communiquant avec deux ballons en verre fixés à chaque extrémité. Sous l’effet de la rotation, le niveau d’eau dans les vases s’incline et remonte dans les bords.

Appareil de démonstration de la force centrifuge
MHS 2946
Acier, bois, laiton, verre, Breton Frères, Paris, vers 1860

En guise de conclusion, on peut encore relever que la majorité de ces instruments sont d’origine française, comme l’est d’ailleurs aussi l’Institut Florimont. Il a été fondé en 1905 par des prêtres français de la Congrégation des Missionnaires de Saint François de Sales chassés de leurs collèges de Haute-Savoie suite à la brutale séparation de l’église et de l’état en France survenue en 1904.